Senior partner et CEO de Mascaret (anciennement Dentsu Consulting), Benjamin GRANGE révèle le contenu de sa dernière tribune pour Forbes France : « L’entreprise est devenue politique ».
Montée des parties-prenantes, démarche ESG, Covid19, crise Russe, …ont fortement politisé la manière dont l’entreprise gère ses relations extérieures
La politique interne a toujours fait partie de l’entreprise. Sous son acception positive, cela consiste à faire preuve de diplomatie, de l’art de favoriser les décisions, de présenter les situations le mieux possible en interne. Mais depuis quelques années, et avec une accélération depuis 2020, les évènements ont forcé les entreprises à aller plus loin. Dans sa définition, la politique est principalement ce qui a trait au collectif. Elle porte sur les actions, l’équilibre, le développement de la société dans laquelle nous vivons, sous tous ses rapports. La politique pour l’entreprise tient dans la capacité à générer ses externalités et prendre des positions claires vis-à-vis de la société. Longtemps, l’entreprise resta tournée vers ses actionnaires dont elle devait servir croissance et rendement. Elle évitait ainsi d’interférer dans des sujets touchant aux partis-politiques, à la situation géopolitique ou aux débats publics lorsque cela ne menaçait pas directement la continuité de son exploitation.
Aujourd’hui, dans un monde accéléré où la transformation de la notion d’autorité, la relativisation systématique des points de vue, la multipolarité des centres de décision, la versatilité des communautés d’intérêts sur Internet, etc font que nous sommes passés de l’ère de l’expertise revendiquée à l’ère de l’influence assumée, l’entreprise a été amenée à devenir un acteur politique. Sans limiter l’impulsion personnelle donnée par certains dirigeants, la pression des clients, des ONG, de la société civiles a forcé l’entreprise à la curiosité et à prendre des engagements dans la gestion de ses potentielles externalités : transition climatique, éthique de production, diversité, …En prenant conscience de ses interactions sur la société, l’entreprise s’est peu à peu politisée. Conséquence directe, elle s’est mise à afficher des combats, illustrés par le statut de société à mission ou de B-Corp. Avec la Covid19, l’entreprise s’est muée en relais des pouvoirs publics en proposant des services que l’Etat avait du mal à assurer : achat de masques, fabrication de gel, etc. Depuis, la guerre en Ukraine a ouvert le champ de la géopolitique : se retirer de la Russie en laissant quasiment tout derrière soi avant les sanctions économiques ou rester en étant taxé de ne pas jouer le jeu de l’Europe. Car si l’entreprise est devenue politique dans ses relations avec l’extérieur, elle fait aussi davantage le jeu de la politique. Total Energies a fait le choix de maintenir son activité en Russie pendant les premiers mois de la guerre. La conséquence a été double : de bénéfices significatifs et un nouveau sujet réputationnel valant même à Antonio Guterres, Secrétaire général des Nations-Unies, d’appeler à taxer les surprofits des énergéticiens. Dans le même temps, la flambée du prix du carburant a généré une mobilisation intense des pouvoirs publics pour la mise en place de mesures destinées à soutenir le pouvoir d’achat. Le transport aérien et ses clients s’en sont trouvés pointés du doigt pour le niveau d’émission de CO2, alors les industries pourtant beaucoup plus émettrices sont le symbole de ce qu’il faut relocaliser. Aujourd’hui avec le concept de souveraineté appliqué aux acteurs privés, les relations sont orientées avec certains pays « amis » ou réputés comme tel au détriment d’autres. Encore un choix politique ! Cette situation pose une question d’organisation à l’entreprise. A qui revient la gestion de cette gestion politique ?
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